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Janja Kralj

Fragile

 

Que signifie être homme aujourd’hui ? Quelle est, de nos jours, la véritable signification de ce mot ? L'homme estil conscient de son existence ? Ce sont les questions qui tourmentent Milena. Arrivée du Monténégro à Paris, Milena découvre le métro et l'existence d'un monde souterrain qui devient le déclencheur principal de toute une série d'analyses intérieures de la jeune artiste et de sa création. Marquée par sa sensibilité ancestrale qui se caractérise par une forte présence des rapports interpersonnels et la liberté d'emotions, l'artiste est confrontée à une nouvelle réalité et aux nouvelles règles des comportement ce qui l'incite à la réflexion sur la place de l'homme dans la société d'aujourd'hui. C'est cette rencontre entre l'héritage individuel et les impressions personnelles du nouvel entourage que Milena transpose dans son travail. L'homme d'aujourd'hui est quotidiennement entouré de messages publiciataires, d'enseignes, d'indications de direction, de différents signes qui facilitent la circulation, de consignes d'utilisation de tous les produits, sans égard à leur banalité. L'artiste „emprunte“ la forme des signes qui l'entourent pour créer de nouveaux signes qui lui appartiennent, et dont la force visuelle sert d'alarme pour l'humanité. Milena abandonne consciemment l'héritage de la peinture académique et nie le rapports classique envers le tableau -objet. Elle le fait en premier lieu en choissisant de priver ses tableaux de cadre, ce qui met la peinture à titre d'égalité avec tous les autres produits. Sa vie est un transit continu entre le Monténégro et la France, et ses tableaux font partie de ses bagages permanents. Le démenagement d'une ville à l'autre et le changement de l'entourage accélèrent le processus d'appréhension du monde et la peinture de Milena pourrait paraître „rapide“, à l'image du rhytme de la vie urbaine, vécue entre le monde souterrain du métro et de ses innombrables indications et messages publicitaires. Milena fait exprès pour choisir la forme schématique de ses enseignes et envoyer ainsi un avertissement rapide et effectif à la crise actuelle de l'être humain. Dans la volonté de sauvegarder la vie qu'il mène sur la terre, l'homme construit un autre monde parallel sous la terre. Au nom d'une soi-disante qualité de la vie urbaine, de la protection de l'environnement, des monuments et du patrimoine, l'homme devient victime d'un autosacrifice incoscient. Dans la volonté de sauvegarder tout ce qui existe sur la terre, il entre dans un espace souterrain sans comprendre le résultat ni le prix de ce sacrifice.

L'homme occidental qui souhaite en continuité intoduire un ordre dans son quotidien, ne se rend pas compte qu'il interrompt ainsi un processus naturel et un développement vital en sousestimant ses propres capacités d'adaptation. Avec une dose subtile d'ironie, l'artiste nous avertit que l'homme d'aujourd'hui s'est transformé en un produit parce qu'il s'est imposé des règles, qu'il fait la queue pour obtenir des indications et les consignes pour la réalisation des ses besoins primaires. Sa forte sensibilité lui fait vivre des consignes comme une attaque à l'individualité de l'homme et ses tableaux apparaissent comme une série de manifestes au service de la conscience humaine. Par ses mouvements rapides et libres et la simplification des formes, l'artiste nous communique son «cri de révolte » contre la déhumanisation, contre la répétitivité de la vie qui met un signe d’égalité entre l’homme et la machine. A l’image d’une enseigne lumineuse invitant à la consommation, les tableaux de Milena invitent à un éveil de conscience et à la consommation de notre fragilité. L’homme est réduit aux signes de circulation, privés d’identité, en conséquence du procéssus de consommation conçu par lui. L’obeissance effrénée à des règles de la vie transforme l’homme en produit de sa propre usine. Aujourd’hui tout est marqué, tout à un numéro de série. C’est pourquoi Milena fait de nouvelles cartes d’identité ou le visage humain n’est qu’une tâche sur le papier perforé, qui rappelle la production en série ou l’oblitération des tickets-métro, le tout sur une consigne d’utilisation du matériel de peinture. Cette carte d’identité est privée de toute marque personnelle et devient la carte du produit qui n’indique même pas qu’il s’agit d’un être humain. La première impression des formes simplifiées, uniformes et presque enfantines cède rapidement la plaçe à l’angoisse du message de la jeune artiste. Ses créations appartiennent à l’art qui ne laisse pas l’observateur indifférent. Tout respire la liberté et l’inconditionalité qui exigent une certaine force, parce qu’il s’agit de la confrontation avec sa propre réalité. Elle ne doit pas passer inaperçue, à l’image d’un signe de circulation qui est destiné à avertir au danger et qu’il est impossible de contourner. De même, la peinture de Milena sert à avertir l’homme de son existence, elle nous demande de prendre une position par rapport à notre réalité.

L’homme de Milena est réduit aux lignes fondamentales ce qui nous avertit à une lente perte d’identité qui mène à l’uniformité générale tandis que la présence du rouge, symbole de la liberté d’émotions, nous appelle la vulnérabilité et la fragilité de l’homme. Le comique s’y mêle au dramatique, l’enfantin au terrifiant, l’innocent au diabolique, la spontanéité à la maturité et la conscience. C’est dans cet aspect brutal et impulsif qu’on retrouve la profonde humanité des travaux de Milena.

Milena enveloppe les hommes dans des bandes “FRAGILE” parce qu’elle souhaite les protéger, ses tableaux sont un S.O.S, un dernier cri destiné à l’éveil de la conscience humaine.

Paris, 2004.

Text publié dans le livre d’Art FAMOUS, aout 2006, Londre

 

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